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Céder son entreprise : savoir anticiper pour réussir

Le 21 mars dernier, à Paris, Val'hor organisait une journée-débat sur la transmission d'entreprise. Rechercher un repreneur, évaluer son établissement, effectuer les démarches administratives et fiscales, mais aussi appréhender son avenir... Des experts ont donné les clés pour préparer cette étape essentielle.

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« Pour construire un schéma de transmission et une solution satisfaisants, il faut anticiper, au moins cinq ans à l'avance, en moyenne. » : c'est le conseil essentiel et unanime qu'ont donné les experts lors de la journée débat « Je transmets mon entreprise », proposée par Val'hor et ses partenaires (*) le 21 mars dernier à Paris. D'abord mis en débat par l'Unep il y a sept ans, avec les flux de départs à la retraite et la conjoncture, ce sujet est plus que jamais une problématique commune à toute l'interprofession, d'où le soutien financier de Val'hor pour cette seconde édition. Si chaque parcours individuel est géré différemment, il reste quelques consignes tirées de l'expérience des participants et intervenants.

Se préparer psychologiquement

- LA « MÉTHODE SMALPA »

Contrairement aux approches habituelles, mieux vaut d'abord se préparer psychologiquement à la vente, plutôt que de se focaliser sur la valorisation financière de l'établissement à céder. « Car le prix ne représente que 40 à 50 % de la négociation réelle ! », affirme Christian Pradon, expert-comptable et commissaire aux comptes, expert en transmission et évaluation d'entreprise. La difficulté majeure, surtout si on est le fondateur, concerne l'attachement affectif porté à son entreprise. Les nombreuses heures consacrées, souvent sur trente à quarante ans – week-ends compris – ne favorisent pas un état d'esprit objectif. Un cédant ayant, quant à lui, tenu un rôle de « manager » peut rebondir plus facilement sur un autre projet. Un autre facteur intervient également : arriver à la retraite signifie qu'on se voit désormais vraiment vieillir… Ainsi, pour réfléchir et se préparer plus sereinement, Patrick Behra propose la « méthode SMALPA » ou « se mettre à la place de l'acquéreur pour faciliter la compréhension objective de la situation ». Dans son association des repreneurs et cédants d'Alsace, à Mulhouse (68), on débat, on apprend à se parler pour mieux se comprendre. Et ce, en amont des projets réels, indépendamment du lien acheteur-repreneur. Car le cédant doit se montrer en accord avec son objectif affiché et doit se faire à l'idée de vendre. Cette réflexion est un travail à part entière. Après le métier de créateur/ repreneur, un chef d'exploitation a tenu une quarantaine d'années celui de gestionnaire d'entreprise. Puis vient le « métier en CDD » de cédant d'entreprise. Avant d'aborder la retraite, c'est beaucoup pour un seul homme.

Il faut aussi préparer le personnel, pas trop tôt, ni trop tard, pour ne pas le démobiliser, lui donner le maximum d'autonomie et de responsabilités, afin d'assurer la continuité de l'activité. L'art du management, jusqu'au bout !

Organiser son confort de vie

- STRATÉGIE ET PROJET DE VIE NOUVELLE

Dès le début de la réflexion, il faut préparer sa vie d'« après » pour que la retraite ne soit pas perçue comme un vide sidéral, sinon elle sera vécue comme un échec, pire, comme un deuil. Les mots ne sont pas trop forts, ils sont souvent prononcés par les cédants. Il est important de se préparer psychologiquement pour que la retraite ne soit pas subie et vécue dans le stress.

Il faut aussi bien considérer son prochain statut social et le montant futur de ses revenus. Certaines décisions, administratives et fiscales, en dépendent. Attention aussi aux effets psychologiques, comme vouloir trop aider ses proches si la cession est familiale. Ne pas créer une situation où l'on dépendra d'eux financièrement, ni de leur réussite : si les affaires ou les relations venaient à se dégrader, le cédant ne doit pas se retrouver subitement sans revenus, ou avec de trop faibles montants de retraite. Attention aux conditions et modalités d'héritage, pour éviter les situations injustes ou compliquées avec les autres personnes concernées. Un impératif : faire son « bilan retraite » cinq ans auparavant, vérifier qu'on n'a pas de périodes d'inactivité dans sa carrière et celle de son conjoint, étudier s'il convient de racheter des trimestres, se renseigner sur les conséquences des statuts matrimoniaux... Il faut penser stratégie et projet de vie nouvelle. Sécuriser ses revenus et son futur train de vie est important. Certains « outils fiscaux » existent mais dépendent de conditions spécifiques, de contraintes et de délais souvent fluctuants au fil des gouvernements et des lois (ISF, exonérations de plus-value ou spécifiques au départ à la retraite, droits de succession…) qui peuvent atteindre, dans le meilleur des cas, plus de 19 % du montant de la cession. Enfin, il est nécessaire de prévoir ses prochaines activités et/ou loisirs pour s'approprier sa nouvelle vie.

Donner envie d'acheter

- MISE EN VALEUR DE L'ENTREPRISE ET ÉVALUATION

Vient ensuite le travail de (re)mise en valeur de son entreprise. Il faut la préparer à la vente. Le piège serait de laisser la situation dans l'attente de la cession. Il faut au contraire moderniser un minimum, entretenir, continuer à investir, ne pas la laisser se déprécier… pour la rendre attrayante, et donner envie d'acheter ! « Elle ne doit pas vieillir avec le personnage », plaisante Daniel Morin, pépiniériste à la retraite. Il faut veiller à maintenir le carnet de commandes et la rentabilité : « On ne vend pas sur le seul chiffre d'affaires, on vend l'avenir ! », affirment plusieurs experts. Sinon l'entreprise ne vaudra très vite plus rien. Réorganiser les parcelles, séparer les biens que l'on veut garder (habitation, bâtiments, véhicule…) permettra de fixer une évaluation plus objective, plus conforme à la fois aux espoirs du cédant et aux projets du repreneur. Bien que basée sur des données chiffrées, l'estimation de la valeur d'une entreprise n'est pas une science exacte. Les spécialistes préconisent de confronter les évaluations personnelle, comptable, patrimoniale, fiscale… Sans oublier la valeur du marché, dans le secteur et localement. Puis croiser et analyser les différentes fourchettes de valeurs obtenues… Au final, le prix sera le résultat de la négociation ! Mais de bonnes estimations croisées permettront un jugement éclairé et un prix le plus satisfaisant possible. Surtout, ne jamais décider dans l'urgence ! Et ne pas laisser de situations malsaines, ni de litiges non résolus : ils viendraient obligatoirement en déduction du prix final.

Ne pas rester seul

- FAIRE APPEL AUX RELATIONS

Mais comment trouver un repreneur... motivé, compétent et fiable ? Il est préconisé d'écouter, de sortir, de discuter avec les collègues et les fournisseurs. De ne pas négliger des opportunités qui se présenteraient. Jouer sur ses relations, échanger : la solution peut venir d'une personne proche, voire en interne via un ou des salariés. Attention, toutefois, lors des premières rencontres, à donner les documents au(x) potentiel(s) repreneur(s), mais à ne pas communiquer d'emblée ses références stratégiques et comptables. Tout l'art est de se présenter sans tout divulguer. Et penser à faire signer des clauses de confidentialité ! Question de raison et de confiance, pour ne pas se faire piller par de potentiels concurrents. Il est plutôt recommandé de se faire accompagner par des spécialistes : ceux dignes de ce nom se font rémunérer au moment de la vente ; on ne doit pas avancer d'argent. Et surtout, ne pas rester seul. Enfin, si l'envie prend au cédant d'accompagner le repreneur, les experts sont formels : « Pour que ce soit bien vécu par tous, il vaut mieux prévoir ce suivi avant la vente ! Après la signature, le nouveau chef d'entreprise doit trouver sa place, entrer pleinement dans ses fonctions, dans son statut de responsable et de décideur unique. Que ce soit très clair pour le personnel et pour la clientèle. »

Odile Maillard

(*) UFS (Union française des semenciers), FNMJ (Fédération nationale des métiers de la jardinerie), FNFF (Fédération nationale des fleuristes de France), UNEP (Union nationale des entrepreneurs du paysage) et FFP (Fédération française du paysage), FNPHP (Fédération nationale des producteurs de l'horticulture et des pépinières), FELCOOP (Coopérative fruitière, légumière et horticole), FGFP (Fédération des grossistes en fleurs coupées) et Floralisa (fournitures pour l'art fl oral et la décoration événementielle). Où se renseigner ? Pour obtenir des informations précises, prenez contact avec la chambre des métiers et les structures professionnelles de votre secteur d'activité. Vous pouvez également trouver des renseignements auprès d'experts-comptables et experts en patrimoine (spécialisés dans la transmission d'entreprise), avocats fiscalistes, ainsi que l'association des cédants et repreneurs d'Alsace (www. asso-arca.fr). Et il est possible de participer à des formations spécifiques sur ce thème. Par exemple : Unep Services, sur www.unepservices.org (pour les adhérents), Vivea (fonds de financement) pour les chefs d'exploitations agricoles… Pour en savoir plus : « La psychologie de la transmission de PME », par Sonia Boussaguet, enseignant chercheur à Reims Management School, Reims (51) : fichier PDF de 15 pages téléchargeable sur Internet. www.reims-ms.fr/agrh/docs/actes-agrh /.../2008bah-boussaguet.pdf Entreprise Travail Comptabilité www.lienhorticole.fr Retrouvez des témoignages d'experts sur la transmission d'entreprise en rubrique Photos&Vidéos.

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